PRESSE ÉCRITE

Inferno 4 février 2019

Eau Forte :
Duo performance d’improvisation visuelle et sonore « Eau Forte » de la cie sound track immerge – au sens fort du t(h)erme – dans un univers en tous points fabuleux en cours de gestation, une sorte de maelström bouillonnant aboutissant sous l’effet d’une magie noire obscure non pas à une, mais à la Création « scandaleuse » de la vie devant soi. En effet pris entre le tir croisé de sons sculptés sensuellement par Patricia Dallio aux manettes de son Olitherpe (comme l’Olipo, il ouvre à toutes les potentialités) avec lequel, greffée de capteurs, elle fait littéralement corps, et des images archaïques délivrées en live par le vidéaste Mathieu Sanchez faisant, tel Prométhée, revivre la matière morte sous l’effet d’une énergie performative aux effets hallucinatoires, on est transporté dans un rêve éveillé à haute valeur hypnotique. Devant nos yeux médusés et à nos oreilles captives, un monde minéral, végétal, animal traversé par des traits de lumière blanche et abritant une minuscule silhouette d’hominidé assis sur une improbable chaise d’où il contemple le monde en train de se faire – écho du « trou du regard » du spectateur – prend forme éveillant un je ne sais quoi presque rien du grand tout.
Affranchis des pesanteurs du réel sous l’effet de ce traitement (électro)choc des images et du son, nous voguons vers des espaces sensibles qui disent à chacun ce qu’il ignorait d’eux l’instant d’avant. Une expérience psychédélique de franchissement des limites qui rend sans frontières le plaisir retrouvé.
Publié par inferno la rédaction le 4 février 2019
Yves Kafka

L'Humanité - Culture -  février 2009

Stabat Mater Furiosa :

... On ne quitte pas cette femme, sa révolte, cinquante minutes durant. Face à l’intolérable, on est saisis par ses tressaillements dont nous atteint la profondeur organique, alors qu’elle nous harangue juchée sur un bout d’échafaudage, ou qu’elle s’électrocute, tel un insecte pris dans le faisceau d’un néon inhumain, sur la grille d’un trottoir...
... Mais on n’avait encore rien dit du travail du son, qui est pour beaucoup dans la réussite de cette adaptation. Patricia Dallio est aux commandes qui offre à perce(voir), autant qu’à entendre, chaque courbe, chaque bifurcation de la tension du texte, et, dirait-on, sa chair. Cela s’orchestre depuis une table, pourvue de capteurs de distance, de sabres de bois et de bracelets, lesquels, au moindre effleurement des doigts, somment l’ordinateur de concocter un enrichissement, une ampleur, une distorsion, à la nappe sonore prégnante. Cela s’appelle une lutherie électronique et c’est ici appréhendé avec une sensibilité surprenante.
Aude Brédy

 

Théâtrorama - 3 février 2009

Stabat Mater Furiosa :... Loin du « consensus mou » qui conforte la pensée unique dans la bienséance, le texte de Jean-Pierre Siméon est une invitation au voyage, à une balade musicale dont la partition est écrite avec une grande intelligence. Car la langue de Jean-Pierre Siméon est d’une grande musicalité ce qui a permis au metteur en scène d’y  introduire une production acoustique qui parcoure et accompagne habilement les méandres et les ruptures du texte. Maniant un clavier et des capteurs particulièrement réceptifs, Patricia Dallio, fusionne avec la voix de la comédienne dans une harmonie ou une opposition sans cesse renouvelée.
Bruno Deslot

 

 

les Cahiers de l'ORCCA, juin 2008.

Le parvis des ondes, par Rosita Boisseau
"Le parvis des ondes", spectacle signé par la compositrice et musicienne Patricia Dallio, pour sa complice Yukari Berthocchi-Hamada et le chorégraphe Hervé Diasnas est une expérience rare, tant du point du processus, que du résultat.
Présenté à la Caserne des Pompiers dans le cadre du festival Avignon 2007, ce trio de haut vol rassemblait dans une même flambée sonore et gestuelle les trois interprètes. Loin des clichés du rapport musique-danse, le son devenait mouvement, le mouvement s'incarnait dans un son, tout faisait corps.
Les trafics de l'électronique réussissait, grâce à la dextérité des interprètes, à déployer une magie singulière, entre artisanat et technologie.
C'est Patricia Dallio, experte en clavier, échantillonneur, programmatrice, membre du groupe Art Zoyd depuis 1979, qui est à l'origine du projet. Elle l'avoue haut et fort : Elle adore collaborer avec des danseurs et rêvait de travailler avec Hervé Diasnas depuis fort longtemps. "Je suis touchée profondément par la danse, confie Patricia Dallio, aussi intense dans la vie que sur la scène. "Dès que je vois un danseur, chacun de ses gestes évoque immédiatement un son. Une sorte de traduction simultanée que je tente à retrouver dans les spectacles. Quant à Hervé, il se fond dans les images qu'il propose, disparaît dans son mouvement."
Sur le plateau les deux musiciennes sont debout derrière des pupitres chargés de capteurs; Hervé Diasnas est aux prises avec une série de trois petites scènes comme une volée de marches. Chacun des protagonistes est coulé dans un puits de lumière qui cisèle son urgence dans un halo cuivré. Les gestes des musiciennes, amples et doux, très chorégraphiés dans leur suspension, font écho aux mouvement d'Hervé Diasnas.
Un petit micro permet d'enregistrer ses souffles que les musiciennes vont traiter en direct à travers leurs appareils. Les petits rebonds secs de leurs mains sur le clavier rejoignent les spasmes du danseur retourné sur le dos comme un insecte à la coquille trop lourde. L'élasticité de leurs bras en train de modifier les sons (épaisseurs, texture, durée...) devant les capteurs fascine. On perçoit leur écoute, leur composition en direct de la matière musicale donnée par Hervé Diasnas.
"C'est une sensation géniale d'avoir en quelque sorte le son dans le creux de sa main et de pouvoir en contrôler les modulations dans l'espace" commente Patricia Dallio.
Cette transformation palpable est l'un des aspects les plus passionnants
de ce "Parvis des ondes" qui se construit devant nos yeux dans une riche palette musicale. Bruits d'animaux, d'humains, crissements métalliques ou roulis d'orgues, ces ondes-là sont intraduisibles, faisant basculer dans un même mystère le son et la danse.

 

 

 

 

DANSER  - septembre 2007

Mise en ondes
Par Bernadette Bonis
Présenté dans le off d'Avignon par la Région Champagne-Ardennes, le Parvis des ondes est un trio envoûtant des musiciennes Patricia Dallio et Yukari Bertocchi-Hamada avec le danseur Hervé Diasnas. Une marche circulaire autour du dispositif scénique que l'on découvre dans l'ombre - trois praticables dénivelés en large escalier et deux "pupitres" de lutherie électronique - nous plonge d'emblée dans une atmosphère de rituel. Tandis que les musiciennes s'installent, Diasnas investit l'espace de sa danse énergique et d'une extrême concentration qui le transporte dans un monde mystérieux comme dans une transe. Ce grand corps musculeux se défroisse, roule au sol, saurien déchiré, tandis que s'élève une musique éthérée. A la danse terrienne répondent les gestes aériens des musiciennes équipées d'un système de capteurs. La musique s'intensifie jusqu'au déchaînement sonore et Diasnas déploie sa danse, tantôt précipitée, tantôt en larges mouvements ou détails minutieux, jusqu'au retour calme et au sol. Si l'on ne peut décrire ici le système d'intéractivité "d'ondes sonores et corporelles" de Patricia Dallio/Hervé Diasnas, le spectacle qui en résulte est magistral et nous mène au bord du sacré.


Les Temps Modernes - février 2008

Micheline Servin
Le parvis des ondes, composition/arrangement de Patricia Dallio, chorégraphie de Hervé Diasnas, à la Caserne des Pompiers.
Au milieu de l'espace ténébreux, trois petites scènes métalliques, sur trois niveaux que traverse un étroit faisceau lumineux bleu avec en son centre une ligne blanche. De part et d'autre, en vis à vis, deux praticables, un peu surélevés, où oeuvrent les deux musiciennes, Yukari Bertocci-Hamada, à leurs consoles et à leurs claviers dans des lumières rouges et blanches, mais aussi à différents capteurs (bracelets, sabres de bois, multipad presseur) et pédales. L'espace se fait univers sonore, dans lequel évolue Hervé Diasnas. Il tourne autour du dispositif, corps s'emplissant de sons qui se modulent quand il approche du parvis sur lequel il devient onde physique et sonore, son souffle étant capté, traité et recréé lui revenant autrement, en transformation constante. Danseur dont le corps trace des lignes évanescentes, les membres se déployant pour de fugitives figures pures. Corps allant et venant pour atteindre le haut de ce parvis qui débouche sur le vide, debout ou couché, comme repoussé et repartant, en incessants et précis mouvements, d'une énergie tout en fluidité, dans une osmose avec la musique atteignant imperceptiblement une plénitude libératoire des tensions générées, jusqu'à la fin des ondes. "Performance danse/concert", oui, si performance implique création engendrée de l'instant des artistes, de l'interprétation mutuelle, du risque de l'aléatoire. Une pièce néanmoins conduite, singulière et inspirée, d'un onirisme poétique intense, mystérieux. Voir et écouter le danseur et les musiciennes. Une quête rare.

 

 

 

Interview de David Sansom - mouvement - avril 2007

Vous avez multiplié les rencontres : avec le musicien de jazz Jacques Thollot, que vous avez accompagné, ou au sein du fameux groupe Art Zoyd, avec les nombreux réalisateurs, chorégraphes, plasticiens avec lesquels vous avez travaillé. Dans quelle mesure la rencontre est-elle un moteur dans votre parcours de musicienne ?
C’est le cœur même de toutes mes motivations. Je me nourris de l’échange, de la différence, j’aime cette confrontation à un autre qui vous donne à la fois son interprétation de ce que vous êtes, et un éclairage sur ce que vous pourriez être. C’est d’autant plus marquant dans les rencontres où le langage de cet autre créateur est différent, et vous emporte dans des territoires que vous n’auriez jamais explorés seul. Un échange réussi invite l’œuvre du partenaire à se nourrir de la partition musicale, et c’est là que la transdisciplinarité prend tout son sens et rend la collision passionnante.

Vous vous réclamez de Miles Davis autant que de Bartók ou Ravel, votre musique est également reconnue sur la scène rock et dans le monde de l’électronique expérimentale, vous collaborez avec l’ensemble Musiques Nouvelles… Au plan de la musique aussi, vous semblez avoir à cœur de mettre à bas les frontières stylistiques, notamment en cherchant des alternatives à la dimension rituelle des concerts (rock ou classique), des manières de créer d’autres « environnements »…
Je n’ai pas intégré le mot frontière à ma façon d’écouter ou d’écrire la musique. Si l’incroyable pulsation de la musique de Miles m’a transporté et a remis en question ma façon de ressentir les quatre temps d’une mesure, les harmonies du Concerto pour orchestre de Bartók m’ont marquée pour toujours. J’adore l’énergie de la scène rock expérimentale, et la folie des compositeurs contemporains apporte à ma palette sonore des inspirations de couleurs, de concepts, d’espaces. Toutes ces années avec Art Zoyd m’ayant permis d’expérimenter les formes les plus incroyables de la musique en scène, comment imaginer qu’il ne soit possible de jouer qu’en frontal dans un théâtre ? Les expériences tellement puissantes d’art contextuel, dans lesquelles la musique est effectivement porteuse de la parole du vivant, sont des pistes à explorer et font parties de mes aspirations fondamentales.

Ces dernières années, vous semblez manifester un intérêt de plus en plus grand pour le travail avec les capteurs (voir le spectacle-concert La Teneur de l’air, créé en mars 2006 à la Cartonnerie de Reims) : pouvez-vous revenir sur cette évolution ?
J’ai été initiée aux capteurs par le thereministe Laurent Dailleau afin d’ interpréter une pièce de Kasper Toeplitz, lors d’une commande Art Zoyd pour le spectacle Armageddon. J’ai découvert alors cette sensation extraordinaire d’avoir physiquement le son dans le creux de la main et de pouvoir en contrôler les diverses modulations en me mouvant dans l’espace. C’était vraiment incroyable : j’ai vu la porte d’un autre monde s’ouvrir, et je l’ai franchie en toute inconscience du travail qui nous attendait pour commencer à maîtriser l’instrument, développer les interfaces et remettre en question l’écriture de la musique ! Je suis encore sur le seuil, mais déjà je constate que l’impact sur la musique et son interprétation dépasse tout ce que j’avais imaginé…

Quelle a été la genèse du Parvis des Ondes, votre dernière création, « œuvre interactive pour trois interprètes » ?
Le Parvis des ondes, c’est d’abord, encore une fois, une affaire de rencontres. En Yukari Bertocchi-Hamada, j’ai trouvé une très grande pianiste, qui a eu l'audace, il y a quelques années, de partir sur l'aventure des capteurs et de l'électronique. Une musicienne d'une sensibilité extrême dont les amplitudes de jeu sont aussi énormes que sa puissance de travail et son sens de l’engagement : un cadeau pour un compositeur ! La première partie du Parvis des ondes donne les impressions « empathiques » de la complémentarité entre Yukari et moi : j'ai notamment travaillé cette complémentarité dans l'orchestration et les gestes des partitions jouées aux capteurs, qui laissent une large place à l’interprétation au sein d’une musique par ailleurs très « écrite »… Quant à Hervé Diasnas, son univers me fascine depuis longtemps : il se fond dans les images qu'il propose, son être disparaît dans sa danse qui est d'une précision et d'une sensibilité extrêmes.

En quoi diriez-vous ce projet, qui mêle un caractère « intuitif » – un impact énergique et poétique direct – et une dimension extrêmement composée (de la même manière que la danse d’Hervé Diasnas semble associer dans un même mouvement énergie et précision), est emblématique de votre sensibilité et de votre langage?
L’imprégnation de la thématique des personnages, des écrits, des lieux et des images, pour lesquels je compose commence toujours par une identification intuitive à leur psychologie, leur forme avouée ou cachée, leur essence, leur structure profonde. Je construis alors un univers sonore sur mesure, à l’écoute méticuleuse de toutes les perceptions découvertes. La musique devient une perspective et un angle de vue du sujet nourris par mon imaginaire.
Quant à la constante organique, et parfois sombre de mes créations, (Le Parvis… n’y échappant pas), elle naît d’une attirance particulière à observer les remous de mes effrois intérieurs et à essayer d’en mettre en lumière la puissance dramatique, sensitive et romanesque.

 

 

Interview réalisé en 2003 par Jean-Delstrade du CIJ (CentreIinfo Jazz en Champagne-Ardenne)

Tu as suivi une formation classique et jazz. En quoi cet apprentissage (et plus particulièrement le jazz) te sert pour ton travail de composition ? Et comment s'est fait le choix de l'orientation vers la musique contemporaine ?
La plus grande découverte musicale et l'immense coup de foudre de ma vie fut Miles Davis années 70 avec les albums "Bitches Brew" , "A tribute to Jack Johnson", "Live Evil", "Agharta". La "pulsation" de ses albums ne m'a plus jamais quittée, cette façon de sentir le rythme, de jouer dessus et avec lui. Depuis, le jazz fait partie de moi viscéralement, et principalement au niveau rythmique dans une façon très simple de ressentir la pulsation, "le groove", de se laisser aller au fond du temps tout en gardant une énergie qui pousse vers l'avant. C'est un peu abstrait, mais c'est comme ça que je le ressens, physiquement. J'ai aussi énormément travaillé (des journées entières !) avec un métronome dédoublé et à l'envers, c'est à dire considéré que les deux temps (pour une mesure de quatre) donnés par lui sont le deuxième et le quatrième et non pas le premier et le troisième temps, de façon à ne plus pouvoir jouer autrement que avec le "swing". Du coup, aujourd'hui la perception du contretemps est presque un état naturel pour moi ... C'est dans cette approche du rythme que le jazz est présent dans ma musique, il ne l'est pas au niveau harmonique puisque c'est plutôt la découverte des compositeurs du début de ce siècle qui m'ont marqué, Béla Bartok, Jehan Alain, Maurice Ravel, Olivier Messian... je construis presque toutes mes harmonies sur les modes "assymétriques" chers à ce dernier, j'entends ces modes malgré moi et je m'amuse avec. Le jazz est aussi présent dans le plaisir de se laisser aller à l'improvisation, puis ensuite de travailler à partir des idées qui en sont sorties. Par ailleurs, l'orientation vers la musique contemporaine se fait par plusieurs voies... :
- Celle de la technologie à laquelle j'attache beaucoup d'importance, car cela me passionne, et celle de la recherche sur le son. J'ai une attirance extrême pour le son, le timbre, la matière et toutes les façons possibles et illimitées de transformer par exemple un piano en "n'importe quoi" ou bien de s'amuser en donnant à des parasites des fonctions rythmiques et de les mettre en avant.
- Celle du milieu dans lequel je travaille, c'est à dire avec Art Zoyd qui est un groupe de recherche mais aussi un centre de création musicale qui accueille des compositeurs en résidence. Je rencontre donc ces compositeurs et l'émulation, la curiosité, la découverte, les échanges font qu'une certaine partie de moi est attirée vers cette musique que je découvre tardivement, grâce à Art Zoyd, et plus particulièrement à Gérard Hourbette, son directeur.

Ton parcours est jalonné de collaboration avec des metteurs en scènes, chorégraphes, réalisateurs : une confrontation de la musique avec "les mondes du visuel". Qu'est ce qui motive ce travail spécifique ?: la nécessité de mettre en danger sa musique, de s'interroger de manière différente, de chercher de nouvelles voies pour l'exploration de l'espace sonore ?
La motivation première est surtout la rencontre de l'autre et de son univers d'exploration. C'est l'expérience de se découvrir dans la mise en commun d'un travail de création à offrir au public et j'y vois plus un partage des risques plutôt qu'une mise en danger (bien que ce risque soit d'abord pris par le metteur en scène ou le chorégraphe quand il fait le choix de travailler avec moi...). C'est aussi, effectivement toujours de nouvelles voies d'exploration car je conçois cet exercice de commande comme une écoute suprême du désir de cet autre créateur pour un éclairage musical sur sa réflexion, sa recherche, sa mise en espace visuel etc... Cela implique forcément d'être transporté dans des chemins et des envies qui sont celles du créateur visuel, de l'auteur et donc d'aller là où on ne serait jamais allé tout seul.

Patricia Dallio militante ?(le disque en rapport avec les déchets nucléaires, l'engagement dans SoundTrack pour revendiquer et promouvoir la création). Comment cela se traduit il dans tes choix musicaux ?
Comment dissocier l'activité musicale des événements marquants de la vie ? Tout ce qui me marque émotionnellement va transparaître dans les musiques à venir. Je ne filtre surtout pas ça, et si une occasion d'expurger se présente comme pour le CD "D'où vient l'eau des puits?" alors je fonce . J'ai été trop ébranlée par la découverte de l'hérésie humaine face à la gestion du nucléaire pour ne pas avoir envie et même besoin de le sortir musicalement et en même temps de pouvoir donner un coup de main au mouvement anti-nucléaire. Là, c'était facile car j'ai utilisé des témoignages vivants et des documents existants, j'étais dans un sujet hyper concret et à la fois très émotionnel. L'engagement est d'un autre ordre dans Sound Track, puisqu'il s'agit de regrouper des compositeurs et des artistes du visuel sur des projets, pour créer des ponts entre nous et vers l'extérieur et quelque part se sentir plus fort et moins seul. C'est assez vital de se relier aux autres quand on fait le choix de vivre en Haute-Marne. Les conséquences sur la musique sont, un peu comme pour mon expérience avec Art Zoyd, de l'ordre des échanges potentiellement enrichissants.
Je continuerai à m'engager à titre personnel, contre des directives politiques quand elles sont destructrices pour les faibles, comme actuellement au sujet du statut des intermittents dont je fais partie et qui risquent d'abattre violemment le vivier culturel existant et déjà fragile. Peut être que le fait de se sentir méprisé aura des répercussions sur les créations à venir car cela va générer plus d'angoisse, plus de colère etc... encore faudra-t-il pouvoir trouver les moyens pour réaliser ses créations. Au niveau musical, pour le moment, mon engagement se borne à faire une musique pour laquelle je ne fais aucune concession. Je sais qu'il existe des oreilles curieuses et que ce travail peut en toucher quelques paires, reste à diriger les haut-parleurs dans la bonne direction...

Art Zoyd a créé le "Centre Transfrontalier de production et de création musicale" : quid ?
Les aides européennes et la proximité des deux villes (Mons et Maubeuge) ont permis de rapprocher l'ensemble "Musiques nouvelles" dirigé par Jean-Paul Dessy et Art Zoyd sur des projets de créations avec électronique. Des compositeurs invités viennent en résidence pour un travail sur l' instrumentarium d'Art Zoyd, puis les oeuvres sont jouées en public par l'ensemble Musiques Nouvelles et des musiciens interprètes d'Art Zoyd. Ce sont deux créations par an avec à chaque fois quatre compositeurs invités et des projections vidéo, qui sont jouées en public sous le nom de "Expérience de vol". Pour plus d'info aller voir sur le site http://www.artzoyd.org Ce sont des projets très difficiles à mettre en place qui brisent un peu les clivages et qui sont vraiment très intéressants. Ils ont permis entre autre la rencontre du groupe avec Kasper Toeplitz qui, depuis sa résidence pour la première version de "Expérience de vol#1", participe en tant que compositeur avec Gérard Hourbette et moi-même à tous les projets Art Zoyd. (Métropolis, La nuit du Jabberwock, Armageddon...)

Comment juges tu ton esthétique musicale en Champagne-Ardenne (réception du public, diffusion, création...) ?
J'ai travaillé un peu sur Reims il y a plus de dix ans avec Jean Deloche pour "Etrange peine Théâtre", avec Marylèn Breuker à l'occasion de stages de danse, avec la Cie Turbulence à Châlons-en-Champagne pour leur "Manège Elixir", pour une expo d'art contemporain à la Fac des sciences en 1912 je crois... Toutes ces expériences furent vraiment extraordinaires, je pense que mon travail a beaucoup évolué en dix ans... c'est peut-être pour ça ... Depuis ces gens ont presque tous quitté la région (pas à cause de moi !). J'ai, ces dernières années travaillé avec des Cie de Théâtre sur Chaumont avec Evelyne Beighau, François Levé et Chaïtane Conversat sur des films d'animation. Tout le reste de mon travail se fait hors région.